William GOLDING, Sa Majesté des Mouches.

Publié le par GRAINEDANANAR

 

golding.gif     « Et si j'écrivais l'histoire de jeunes garçons sur une île? Je les laisserais se comporter exactement comme ils voudraient. » W.Golding.

 

     Artificiellement recensé en France comme un classique de la littérature scolaire (c'est d'ailleurs à cette fin que je l'ai enfin lu), cet ouvrage dépasse de loin son étiquetage. S'il est sans conteste, tout à fait recommandable à des adolescents épris de littérature (le style est littéraire), c'est aux adultes d'abord que je le conseillerais.

 

     Le livre refermé, c'est le terme d' « utopie à rebours » qui m'est venu à l'esprit.

 

     Après le crash d'un avion sur une île du Pacifique inhabitée, seuls quelques dizaines d'enfants et de jeunes adolescents ont survécu.

 

     W. Golding, en 1954, revisite sur le mode du roman d'aventures ce que, bien avant lui, des philosophes comme Hobbes dans son Leviathan ou Rousseau dans son Essai sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes ou encore plus récemment S. Freud dans son Malaise dans la civilisation, ont tenté de sonder, à savoir, le caractère humain « à ses origines », en campant ici une société humaine réduite à son état d'enfance.

     Contrairement aux conditions qui président à l'état de nature hostile de Hobbes, l'île qui accueille ces enfants naufragés, est belle et bonne : les paysages y sont sublimes, et la nature généreuse en fruits, comme chez le bon sauvage de Rousseau.

     Il n'y a donc pas vraiment urgence à s'organiser pour la survie, à part peut-être pour la construction d'un abri, la nuit représentant le temps de la peur, des peurs ancestrales et primitives qui ressurgissent. Pourtant, assez vite, les plus âgés vont exprimer leur volonté de re-créer une société organisée, avec ses chefs et ses lois... car la priorité, c'est l'entretien de ce feu qui doit signaler leur présence à d'éventuels navires ou avions qui passeraient par là... Les plus petits trouveront cela rassurant d'abord, embêtant ensuite, parce qu'il faut obéir et travailler là où tout, et surtout l'enfance sans parents et sans école, invite à l'innocence du loisir et du jeu. Car ce n'est pas à l'esprit des petits que vient l'idée de mettre tout en œuvre pour revenir au monde civilisé.

 

     Le lecteur ne pourra pas ne pas se poser cette question : « Une société crée par des enfants ne serait-elle pas meilleure qu'une société conçue par les adultes ? » N'est-ce pas l'adulte, toujours, qui pourrit tout avec ses peurs et ses velléités ?

 

     Mais ces enfants ne sont pas de bons sauvages … tous ont connu la vie en société avant le crash. Dès lors la question est plutôt : « Est-ce eux qui reproduiront la société ou la société qui se reproduira en eux, malgré eux ou grâce à eux ? »

 

     Outre le traitement original d'un sujet profond déclinable selon les publics, on appréciera la maîtrise avec laquelle le lecteur est maintenu dans un long mouvement de balancier, tantôt tendu vers l'espoir entraperçu, tantôt glacé d'effroi, jusqu'à la fin du roman où son titre énigmatique prend enfin tout son sens.

 

banniere grainedananar

Publié dans JEUNESSE

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T
c'est très sombre mais j'ai bien aimé! <br /> On ne peut pas s'empêcher de se demander comment on réagirait dans leur situation!
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1
<br /> <br /> Je prends enfin le temps de venir lire ton billet!<br /> <br /> <br /> Ravie que ce livre t'ai plu et j'aime beaucoup l'analyse que tu en fais.<br /> <br /> <br /> Et effectivement, le classement "jeunesse" de cet ouvrage m'a semblé un peu trompeur lors de ma lecture.<br /> <br /> <br /> <br />
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