GENET par Christian OLIVIER ET TÊTES RAIDES.

Publié le par GRAINEDANANAR

 

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     Jean Genet (1910-1986) est à l'honneur à l'occasion du centenaire de sa naissance et, s'il est un intérêt des commémorations, c'est bien de faire revivre la parole de nos poètes. Or, il ne peut guère y avoir plus bel hommage que celui qui vient de lui être rendu par Christian Olivier, chanteur de Têtes raides, et par son groupe – à part, peut-être, et dans un autre genre, les collages d'Ernest Pignon-Ernest dans son Parcours Jean Genet de Brest, en 2006, pour les vingt ans de sa mort.

 


      jean-genet.jpgNous sommes donc à Paris, dans la salle de l'Odéon, un 27 novembre 2010. Sur scène, à gauche, un matelas sur lequel est assis un comédien, Jean-Marc Royon, qui incarne Genet, disant une de ses lettres de la prison de Fresnes. Puis entre le groupe, en musique, qui vient s'installer à droite, sous la lumière de leur célèbre lampe. Vient alors Christian Olivier, lequel, après ce prologue, prend place au micro, au centre, et entame la lecture du Funambule (1958). Suivront d'autres poèmes, dont Un chant d'amour, des extraits du Journal du voleur, pour finir en apothéose dans une lumière rouge sur Le Condamné à mort, poème de 1942, rédigé en prison, comme tant d'autres textes. La musique vient ponctuer, parfois accompagner, la lecture, de même que le jeu du comédien dont le texte est celui des lettres de prison de Genet : un Genet qui enrage, demande du pain ou du papier, engueule Cocteau qui n'intervient pas pour le faire libérer – car comment un poète peut-il rester en prison ?

      Pendant toute la durée du spectacle, c'est donc le verbe de Genet qui se déploie. Un verbe de violence et de tendresse, de chair, de sang et de sperme qui célèbre l'amour, le vol, l'homosexualité dans une phrase rythmée, parfois incantatoire, sertie de mots précieux ou crus. Saint Genet ou la rédemption par l'éloge du mal... Son chant est celui d'une révolte radicale contre l'ordre et la morale établis autant qu'un chant d'amour. La phrase de cet autodidacte est classique autant que son univers hors-norme est passionné. Car Jean Genet, enfant abandonné, condamné à tort puis à raison, enfermé en centre de redressement, légionnaire, déserteur, prisonnier, militant aux côtés des Black Panthers ou des Palestiniens, crie sa rage de vivre et d'aimer contre tous ceux qui voudraient attenter à sa liberté. Genet ou l'homme libre, héritier de cette longue tradition de poètes dont les murs et les barreaux n'ont jamais empêché que vibrent et tourbillonnent les mots les plus beaux.

      Portés par le timbre particulier de la voix de Christian Olivier, ces mots prennent chair, résonnent en nous, font écho à nos propres émotions et à nos désirs. Le chanteur a d'ailleurs choisi de les dire plutôt que les chanter parce que, explique-t-il, « il n'est pas question de déranger la beauté et le rythme de cette langue magnifique qui se suffit amplement à elle-même. » On pourrait lui objecter qu'il a chanté Kateb Yacine, Geo Norge ou Pessoa, qu'il a mis en musique Stig Dagerman, d'autres encore dont la langue aussi est magnifique. Mais là n'est pas la question : effectivement, la voix nue de Christian Olivier sert à merveille l'émotion et le lyrisme des poèmes de Genet. jean-genet2.jpg

      Lorsque l'on ressort, on n'a plus qu'une hâte : se replonger dans l'univers de Genet, relire son premier roman, Notre-Dame des Fleurs (1944) et les suivants : Miracle de la rose (1946) et Querelle de Brest (1947) qui forment une sorte de « trilogie des voleurs ». Retrouver le Journal du voleur, son autobiographie mythifiée de 1949. Ou bien encore ses pièces de théâtre, Le Balcon (1956), Les Nègres (1959, à jouer exclusivement par des Noirs, n'est-ce pas...), Les Paravents (1961), ses recueils de poèmes, dont Le Condamné à mort. Ou encore L'Atelier d'Alberto Giacometti (1963), où il décrit comme nul autre le travail du sculpteur...

      Merci donc, une nouvelle fois, à Christian Olivier pour ce moment de poésie pure dont on peut espérer que, comme pour Stig Dagerman, il donnera lieu à enregistrement.

 

    

 

 

 

  L'œuvre de Jean Genet (sur lequel Sartre a écrit son Saint-Genet, comédien et martyr) est disponible aux éditions Gallimard (Folio), ou, pour L'Atelier d'Alberto Giacometi et l'ensemble de ses œuvres, aux éditions L'Arbalète. Les Lettres au petit Franz (Lettres de Jean Genet à François Sentein, 1943-1944) sont disponibles aux éditions Le promeneur, 2000. Le Théâtre complet est même paru dans la collection de La Pléiade (2002).

      A noter que le numéro de décembre 2010 du Magazine littéraire est consacré à Genet et qu'une édition de Qurelle de Brest à tirage limité contenant un DVD (film de Rainer Werner Fassbinder, 1982) vient de paraître (Gallimard, « L'Imaginaire »).

      Parmi les hommages, on pourra se rappeler aussi celui de feu le groupe Casse pipe avec « Stilitano » (paroles de L-P. Guinard) et « Foutu dimanche » (paroles de M. Minelli) sur l'album Chansons noires - Tome 1 (1993).

 

Photos : http://www.facebook.com/tetesraides

 

Pour lire quelques extraits du Journal du Voleur de Jean GENET, cliquez ici.

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