N.H. KLEINBAUM, Le Cercle des Poètes Disparus.

Publié le par GRAINEDANANAR

 

cercle-poetes.gif     A l'heure des théories didacticiennes des feu Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM), des politiques éducatives publiques comptables et de plus en plus précocement sélectives, y a-t-il encore une place pour s'interroger sur les vocations de l'enseignant et de l'éducation ?

      Il y a belle lurette qu'on n'attribue plus ni à l'éducation, ni même à l'école le noble objectif de concourir à ce qu'un élève devienne un adulte pensant par lui-même, c'est-à-dire un individu éclairé par un savoir critique qui pourrait, par là-même, exercer un libre jugement sur ce qui l'entoure.

       Non, de nos jours, l'école engage ce même élève à « devenir citoyen » et son professeur « à lui donner les outils pour comprendre le monde contemporain ». C'est-à-dire, à accepter comme une fatalité logique, le fait d'être une infime partie d'un grand tout qui le dépasse, et que c'est par cette acceptation absolue qu'il sauvera sa propre peau. Ou encore, à devenir conforme à ce que le monde exige de lui, pour mieux lui extorquer sa sève.

 

      Qu'est donc venu faire, en 1959, Mr Keating, professeur de littérature, idéaliste au plus haut degré, au College WELTON, un des plus prestigieux lycées américains, où l'on entre en tant qu'élève à condition d'obéir servilement à ses quatre piliers que sont « Tradition, Honneur, Discipline, Excellence », et n'en doutons pas également, à la sacro-sainte valeur universelle de l'Argent ?

      Le goût de la provocation ? Assurément. Mr Keating en a fait le maître-mot de sa pédagogie. Le goût du défi aussi. Car, comme il le dit lui-même à l'un de ses collègues professeur de latin, Mr McAllister, n'est-ce pas parmi ces purs produits de la classe huppée et conservatrice américaine, qu'il est le plus urgent d'insuffler le sens critique et le goût de la liberté ?

     Évidemment, très vite amusés, puis subjugués par les leçons facétieuses de leur « Capitaine, ô mon Capitaine », une bande de jeunes adolescents vont reformer, à l'instar de Mr Keating lui-même ancien élève de WELTON, - mais non de son fait – la fameuse société secrète du Cercle des Poètes Disparus.

      Comme dans un conte de fée un peu facile, la plupart de ces jeunes gens y puiseront de quoi accomplir, contre la bienséante conformité à laquelle on les contraint parfois à coup de trique, leur libre personnalité... Mais, comme dans toute bonne tragédie à l'ancienne, l'un d'eux succombera ; Mr Keating ayant omis de les informer sur l'autre implacable pendant du Carpe diem, qui lorsqu'il est exercé au sein de la société, se nomme « la liberté ou la mort ». Enfin, comme dans tout bon ouvrage à l'esprit libertaire des années 60, Mr Keating connaîtra les affres du bouc-émissaire, mais en sortira grandi dans une semi happy-end qui ne manquera pas de tirer quelques larmes aux adultes nostalgiques, qui, s'ils sont honnêtes faute d'être héroïques, savent qu'ils se sont laissés séduire puis vaincre par le trop humain couvercle du conformisme en toute bonne conscience.

 

      En bien des endroits, ce livre ne peut être élevé au rang de manuel pédagogique ou « livre du professeur » comme on dit dans le métier ? Quoi que.

      Je ne peux m'empêcher de penser, au contact de cette récente et plaisante relecture, que si je faisais ce que mes Textes Officiels ordonnent, c'est-à-dire « donner [à mes élèves] les outils pour comprendre le monde contemporain », je ferais bien pire que Keating, puisque ce seraient des classes entières que j'inviterais au suicide. Comment supporter, à 17 ans, d'être le produit d'une société fondée sur l'injustice et inexorablement encline à se reproduire, sous couvert d'un vocable perverti de « citoyenneté » ?

 

N.H.KLEINBAUM, Le cercle des poètes disparus, Edition de Poche, 1990, 4,50E.

 

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Publié dans ROMANS

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(
<br /> Mon Blog(fermaton.over-blog.com),No-18, THÉORÈME NELLIGAN. - LES YEUX D'ELSA.<br />
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I
<br /> <br /> "les outils pour comprendre le monde contemporain", ne sont ils pas aussi fait pour comprendre ce qui se passe et pouvoir, à ce moment la, mettre en place des stratégies afin de, non pas tout<br /> changer mais faire évoluer ?<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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G
<br /> <br /> Dans l'idéal oui. Cependant, comment "mettre en place des stratégies pour faire évoluer le monde", si l'esprit critique n'a pas été éveillé ? Le problème est que la politique éducative actuelle<br /> vise à faire comprendre pour insérer dans un monde tel qu'il va, non pour contribuer à son progrès. Et si encore on arrivait à insérer ! On reproche assez à l'école (à tort ou à raison) de ne pas<br /> même y réussir  !<br /> <br /> <br /> <br />